Quand deux entrepreneurs se rencontrent, de quoi parlent-ils? Nous avons réuni Geoffroy Josquin, ancien salarié devenu indépendant, et Jonas Benazzi, jeune cofondateur d'une start-up. Deux profils différents pour un dialogue instructif.
Après 20 ans comme salarié dans le monde bancaire, Geoffroy Josquin s'est lancé en 2018 comme indépendant dans l'événementiel B2B: conférences, networking, etc. Un an plus tard, le succès semblait au rendez-vous… jusqu'à l'épidémie de covid, qui a mis les événements à l'arrêt. "Cela m'a contraint à revoir mon modèle. Jusqu'alors, je travaillais avec des partenaires pour financer mes événements, mais j'ai remarqué qu'il n'y avait personne pour faire le lien entre les sponsors potentiels et les structures – sportives, culturelles, événementielles… – en recherche de financement. Et j'ai décidé d'endosser ce nouveau rôle."
Le parcours de Jonas Benazzi est bien différent: contrarié dans sa vocation de pilote de chasse, il a opté pour des études en sciences politiques avant de bifurquer vers l'entreprenariat. En 2019, il a cofondé Work And Meet: une plateforme qui met en réseau des lieux de travail "à la demande", tels que les coworkings. "Un Airbnb des espaces professionnels", décrit-il.
Quand avez-vous su que vous vouliez devenir entrepreneurs?
G.J.: Après avoir démissionné. J'ai quitté mon employeur parce que je ne me sentais plus en accord avec mes valeurs, mais je n'avais pas vraiment réfléchi à la suite. C'est un peu plus tard que je me suis dit 'Pourquoi ne pas en profiter pour démarrer une activité?'
J.B.: J'ai envie de dire que c'est en essuyant un refus de la Défense, mais en fait j'ai toujours eu l'idée d'entreprendre. J'ai toujours vécu dans cet écosystème-là… Et si demain, Work And Meet devait s'arrêter, je sais que je relancerai probablement autre chose.
Quelle a été votre plus grande difficulté d'entrepreneur?
G.J.: La crise sanitaire et le fait de ne plus pouvoir exercer mon activité pour une raison extérieure. Si au moins j'avais été responsable de la situation, j'aurais pu analyser et corriger mes erreurs, mais là… Psychologiquement, ça n'a pas été évident avant que je parvienne à pivoter.
J.B.: Le covid nous a mis une claque. Quand c'est arrivé, on était en 'proof of concept', juste au moment où on avait besoin, avec des petits modèles, de démontrer la proposition de valeur. Du coup, on est restés un an et demi sans pouvoir déployer, à tester nos solutions entre deux vagues d'épidémie, avec toutes les incertitudes à prendre en considération… On ne pouvait même pas dire si on était dans le bon ou pas, c'était très frustrant.
Quelle est votre plus grande qualité ou votre pire défaut d'entrepreneur?
J.B.: Je suis très curieux, ce qui est à la fois un défaut et une qualité. Je crois qu'il faut l'être pour avancer, mais si on l'est trop, on risque de s'aventurer trop loin et de se perdre un peu.
G.J.: Pareil! J'ai une qualité qui peut devenir un défaut: je ne procrastine pas. J'agis rapidement, donc je me trompe régulièrement. Après, il faut être résilient pour assumer ses erreurs et les corriger.
Y a-t-il une question que vous aimeriez chacun poser à l'autre?
J.B.: Geoffroy, est-ce que tu as déjà pensé à devenir un mentor pour de plus jeunes entrepreneurs?
G.J.: Ça me plairait beaucoup, mais j'estime que je n'en ai pas encore la légitimité. Là, j'ai été obligé de redémarrer. Quand j'aurai pérennisé l'activité, qu'il semblera normal de faire appel à un intermédiaire pour boucler du sponsoring, comme pour s'assurer ou pour vendre sa maison, alors je pourrai dire que j'ai atteint un objectif. Mais c'est encore loin d'être le cas. Et toi, où te vois-tu dans dix ans?
J.B.: Bonne question ! Je me vois toujours chez Work And Meet, que ce soit dans mon rôle de CEO ou dans un autre, et qu'on ait réussi le challenge de faire fonctionner le modèle, comme tu le dis. Et puis aussi, j'espère que je pourrai libérer du temps pour explorer d'autres choses, m'amuser, parce que j'en ai besoin.
Jonas, un conseil à donner aux jeunes diplômés qui songent à entreprendre?
J.B.: C'est le moment de se planter! Quand on sort de l'école, en général, rien ne nous retient, donc c'est le moment d'essayer plein de projets.
Geoffroy, un conseil à ceux qui voudraient tout plaquer et se lancer comme indépendants?
G.J.: Si vous décidez d'y aller – après avoir bien réfléchi tout de même – allez-y à 100%, pas à 15 ou 20% avec une activité complémentaire sur le côté. C'est difficile de courir deux lièvres à la fois. Pour se donner toutes les chances de réussir, le mieux c'est d'être à fond dans l'activité.
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