Émouvoir pour éduquer?

11/3/2024
Idées
(Photo Andy Brunner/Unsplash)

Quand le discours scientifique atteint ses limites, d’autres outils permettent-ils de partager le savoir avec le public – et surtout de l’inciter à s’en emparer? Hugues Draelants, professeur de sociologie à l’UCL, s’est intéressé à ces questions dans le cadre de l’éducation au changement climatique. Il pointe le rôle que peuvent jouer l’art et les émotions.

"Sur la question du climat, on entend souvent des scientifiques, parmi ceux qui font de la ‘pédagogie publique’, exprimer leur frustration de ne pas être assez entendus. Ils alertent, mais la société ne réagit pas, ou trop peu."

Hugues Draelants, qui dresse ce constat, est professeur de sociologie à l’UCL. Il a récemment consacré un long article à l’éducation au changement climatique (Une vérité qui ne dérange pas?, dans les cahiers du Girsef, le Groupe interdisciplinaire de recherche sur la socialisation, l’éducation et la formation).

"Au fond, cette réaction repose sur l’idée que le savoir suffirait à entraîner l’action. Il y aurait un déficit de connaissance dans la société; en comblant ce déficit, on déclenchera des conséquences pratiques et on aura résolu le problème. Évidemment, c'est beaucoup plus complexe..."

Outre les nombreux obstacles que peut rencontrer la parole scientifique dans le débat public – de la dépréciation à la remise en cause, pour toutes sortes de bonnes ou de mauvaises raisons – c’est surtout  le modèle de communication qui semble inadéquat aux yeux du sociologue: "Les scientifiques qui s’expriment sont évidemment très compétents, mais le savoir qu’ils délivrent n’est pas toujours facile d’accès ; cela requiert de maîtriser des codes que tout le monde ne possède pas – ce qui ne se limite d’ailleurs pas à la question climatique."

D’autres dispositifs émergent, qui font notamment appel aux émotions:

"Je pense que les émotions peuvent apporter une dimension complémentaire à l'intellect ; elles sont une autre porte d’accès."

"Dans le cas du changement climatique, cela me semble typiquement pertinent : le climat, contrairement à la météo, c'est une réalité statistique avec laquelle on n'a pas de rapport direct. L’art, la photo, la littérature, par le biais des émotions, offrent des représentations plus sensibles, plus compréhensibles qu’un graphique."

Parmi ces supports de communication, on pourrait citer de nombreux films ou documentaires. On peut aussi évoquer les "fresques du climat", qui se sont diffusées dans les entreprises et les organisations. "Mais je pense encore à d’autres choses, comme la bande dessinée, qui permet de vulgariser de nombreuses idées. Sur la question du climat, il y a eu la BD de Jancovici et Blain (‘Le monde san fin’, ndlr), qui a vu une personnalité, en position d’expert, s’associer à un auteur pour parler autrement du sujet; notamment de notre rapport à l’énergie. Elle a rencontré un succès phénoménal."

Un succès qui témoigne, à tout le moins, de l’intérêt porté au sujet – comme de l’intérêt pour ce type de supports.

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