Autodidacte, Brice Le Blévennec a fondé au début des années 90 l’entreprise qui allait devenir Emakina: un groupe d’agences numériques qui a grandi jusqu’à plus de 1.000 personnes, qu’il a revendu en 2021. Aujourd’hui, il se consacre à d’autres projets entrepreneuriaux et personnels. Tout cela sans autre diplôme que celui de l’école secondaire.
"Au total, j’ai redoublé quatre fois", raconte Brice Le Blévennec. "J’étais un cancre. Et pourtant, j’étais manifestement intelligent: j’ai représenté mon école aux Olympiades de mathématiques, mais j’étais en échec en maths; j’écrivais des nouvelles qui étaient publiées, mais j’étais en échec en français. Les cours ne me passionnaient pas, j’avais horreur de tout ce qui m’était imposé. En fait, je présentais un mélange de talent inné, de paresse phénoménale et de rébellion."
"En revanche, j’avais une passion pour l’informatique. Je me suis mis à programmer – et à pirater le système de l’école. Dès 14-15 ans, je donnais des cours de programmation à la Data School. À la sortie des secondaires, je travaillais déjà dans une agence de pub, où je m’occupais de l’informatisation."
Trois ans plus tard, il créait sa première boîte, sans passer par la case "études supérieures". "J’ai fait mon propre cursus. J’ai tout appris dans les livres, sur des forums ou avec des collègues. Et je n’avais pas besoin d’un diplôme, puisque c’était moi le patron."
Mais en tant que patron, quelle importance a-t-il accordé aux diplômes des autres? "Au début, aucune. Jusqu'à ce qu'on soit une cinquantaine, il n’y avait pas vraiment besoin de middle management. Mes seuls critères étaient la compétence, le talent et des valeurs de travail. Les diplômes, c’était presque un repoussoir: un diplômé, c’était quelqu’un qui avait perdu son temps à l'unif au lieu de prendre un ordinateur et programmer toute la nuit. Par après, plus on a grandi, plus on a eu besoin de gens sans doute moins talentueux ou passionnés, mais davantage fiables, rigoureux, organisés, capables de gérer une équipe, etc., avec d’autres compétences, sanctionnées par des diplômes."
"Les diplômes sont très utiles quand on cherche un emploi; ils ne sont pas forcément nécessaires pour ceux qui créent leur propre trajet et qui ne devront jamais démontrer leurs compétences à autrui."
Le parcours d’autodidacte, reconnaît-il, n’est toutefois pas donné à tout le monde: "Aujourd’hui, énormément de ressources sont accessibles pour se former dans plein de domaines. Mais il faut se lever le matin en se demandant ‘Qu’est-ce qui me manque?’, ‘Où vais-je aller le chercher?’ Ce n’est pas le même moteur que de se dire ‘Qu’est-ce qu’il y a comme cours aujourd’hui?’"
"Je ne conseille pas forcément mon trajet à d’autres, parce qu’il est difficile et extrêmement risqué. Je comprends que ce soit différent pour ceux qui n’ont pas cette vocation entrepreneuriale, donc je suis tout-à-fait favorable à ce que les gens fassent plein d'études. Mais ce n'est pas la seule voie."
Dans notre dossier "Apprendre autrement":
Apprendre devrait toujours être un plaisir