"Vous reprendrez bien un peu d’IA?"

3/9/2024
Tech & Digital
(Image Freepik - créée par IA)

Pourquoi sommes-nous devenus accros aux médias sociaux? Quand avons-nous accepté de discuter avec des machines? Pour quel bénéfice et en échange de quoi? Louis de Diesbach, philosophe et éthicien de la technique, se penche avec nous sur notre rapport aux technologies numériques.

"Ce qui m'intéresse, c'est de comprendre ce que notre utilisation de la technologie dit de notre rapport à nous-mêmes et au monde", explique Louis de Diebasch. En deux ans, il vient de signer deux ouvrages consacrés, l’un aux réseaux sociaux (Liker sa servitude chez Fyp, en 2023), l’autre à l’intelligence artificielle (Bonjour ChatGPT aux éditions Mardaga, 2024). Deux ouvrages qui explorent la "ligne de crête" entre les avantages des technologies numériques (sans réseaux sociaux, pas de #MeToo, par exemple) et leurs inconvénients, qui vont jusqu’à notre asservissement plus ou moins volontaire.

Mais pourquoi donc acceptons-nous de discuter avec des machines, de leur sacrifier notre temps et notre autonomie, ou de leur confier nos plus intimes secrets?

"D’une part parce que c’est facile et que c’est confortable. C’est pour cela que je parle de ‘liker sa servitude’: la servitude en question n’est pas tant liée aux technologies; c’est une servitude au confort, à l’inaction, à la facilité qu’il y peut y avoir à ne pas se poser de questions. Cela vaut d’ailleurs pour la tech comme pour la crise des réfugiés ou le consumérisme: c’est plus facile de ne pas se demander d’où vient le t-shirt vendu à 1 euro, ni quel est le modèle derrière Google ou Facebook."

"D’autre part, parce que c’est très bien fait. Ce sont quand même quelques-uns des plus brillants cerveaux de la planète qui sont payés à nous rendre accros, à nous faire scroller, liker, partager… Sans exonérer les utilisateurs de toute responsabilité, ils sont un peu David face à Goliath; ne soyons donc pas trop durs envers nous-mêmes."

Comment reprendre le contrôle dans cette relation inégale? La réponse, pour notre interlocuteur, passe par l’éducation et la régulation.

"Je pense que beaucoup d’utilisateurs évaluent mal le rapport coût-bénéfice."

"La plupart des gens sont convaincus d’utiliser la technologie comme ils le veulent et de garder leur liberté, sans réaliser que l’algorithme modifie peu à peu leurs comportements. C’est une boutade, mais si vous déviez chaque jour d’un degré de votre route, en six mois, vous aurez fait demi-tour!"

"Je crois donc beaucoup dans l’éducation : l’acculturation aux modèles techniques et économiques, mais aussi l’éducation à l’esprit critique, qui est une notion centrale. Ensuite, je suis un grand partisan de la régulation, qui n’a rien de contradictoire à mes yeux avec le libéralisme économique – Adam Smith attirait déjà l’attention sur le risque de voir les grandes corporations rechercher l’enrichissement plutôt que le progrès. Franchement, je ne vois pas ce qu’il y aurait de contraignant à faire respecter les droits humains, la vie privée ou la liberté des individus."

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