Travail: réconcilier l’individu avec le collectif

Dans un monde individualiste, où les systèmes collectifs tels qu’églises, syndicats ou partis politiques sont en perte de vitesse, l’entreprise apparaît comme l’une des rares structures où l’on agit encore ensemble. Mais ce modèle serait-il, à son tour, menacé?

"Les gens souhaitent plus de liberté, plus d’autonomie dans le travail", remarque Denis Pennel. "Cela ne signifie pas qu’ils soient moins engagés ou moins satisfaits – les études ne montrent guère de changement à cet égard – mais ils veulent pouvoir déterminer eux-mêmes la place du travail dans leur vie, là où, dans le passé, la vie s’organisait autour du travail. On veut en quelque sorte s’affranchir des contraintes de la vie professionnelle, et ce mouvement a été amplifié par la crise du covid et le travail à distance."

Plus que jamais, la relation au travail s’est individualisée. "Il faut reconnaître que les entreprises, qui se sont toujours un peu méfiées du collectif, ont aussi leur part de responsabilité, parce qu’elles ont individualisé les rémunérations, les objectifs, le temps de travail, etc. Aujourd’hui, je suis convaincu qu’on est allé trop loin – on l’observe dans certaines entreprises qui tentent de ramener leurs collaborateurs au bureau, parce qu'elles réalisent que le lien collectif se distend. Pour moi, c'est l’un des grands enjeux des prochaines années. On ne reviendra pas en arrière, tous au bureau de 9h à 17h30, mais il s’agit de trouver un meilleur équilibre entre desiderata individuels et intérêt collectif. À force de mettre l’accent sur le bien-être et le développement personnel, nombre de salariés ont oublié la dimension collective qui régit l’entreprise!"

L’hybridation est une autre évolution majeure. "Les deux phénomènes sont liés : puisqu’on peut travailler aussi bien de chez soi qu’au bureau ou dans un espace de coworking, il existe une porosité croissante entre travail et privée; une hybridation des lieux et du temps. Par ailleurs, on assiste à une diversification croissante des formes d’emploi, au sein même du salariat: contrats à durée déterminée ou non, intérim, contrats d’apprentissage…"

"Ce qui est plus neuf et très remarquable, c’est le retour du travail indépendant, qui était en baisse depuis près de deux siècles."

"C’est un renversement historique: le nombre de travailleurs indépendants est en hausse depuis une vingtaine d’années. Cette évolution répond également à la volonté des individus de retrouver de l’autonomie dans leur travail et d’en maîtriser à nouveau le contenu. C’est encore une autre forme d’hybridation, qui sera l’un des mots-clés du travail dans les années à venir."

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