Philo, bonheur et travail

3/9/2024
Idées
Philocomix, par Jean-Philippe Thivet, Jérôme Vermer et Mathieu La Mine.

Philosophe et enseignant à l’Ephec, Jérôme Vermer est aussi co-auteur de Philocomix, une série BD qui a cartonné en mêlant philosophie et humour pour explorer le thème du bonheur. Le 3e tome, "Métro, boulot, cogito", sorti en 2022, abordait les rapports parfois compliqués entre bonheur et travail.

Pourquoi, après deux tomes consacrés au bonheur individuel et collectif, avoir pris le travail pour sujet ? "Parce que c’est une dimension fondamentale de l’être humain", répond Jérôme Vermer. "La première question que l’on pose à quelqu’un qu’on ne connaît pas, c’est généralement ‘Qu’est-ce que tu fais dans la vie?’ Cela montre que, consciemment ou non, on se définit par le travail. Or, une bonne partie de nos contemporains perçoivent le travail comme une obligation qui nous empêcherait d'être heureux. On a le sentiment de s'accomplir en dehors des heures de travail, dans ses loisirs."

Le terme de "valeur travail" paraît à cet égard révélateur: "Quand on parle de ‘valeur travail’, on parle de valeur monétaire, de rémunération. Mais si le travail est seulement vu comme ce qui nous permet de nous nourrir et de nous payer des moments d'amusement, c'est difficile d'y trouver un sens. Et si on se définit par notre travail mais qu’on n’y trouve pas de plaisir, on a un vrai problème existentiel. Il faut que le travail soit une source de sens. Et ça, c'est de l'ordre de la société: comment envisage-t-on le travail ? à quoi sert-il? quelle considération donne-t-on à ceux qui ont l’impression d’accomplir un travail dénué de sens?"

Les philosophes peuvent-ils nous aider à trouver des réponses? Jérôme Vermer fait d’abord référence au philosophe et économiste Adam Smith: "Avec d’autres, il met l'accent sur la division du travail et montre que, d'une certaine manière, nous avons tous une place légitime et importante. John Locke ensuite, l’un des pères du libéralisme, nous dit que le travail est non seulement une obligation pour survivre, mais qu’il est la seule source de liberté puisque, s’il nous manque du pain, il ne peut y avoir de liberté. Hegel, enfin, explique que le travail est synonyme d’indépendance et d'autonomie, car c'est grâce à lui qu'on acquiert des compétences."

"Si nous avions tous en tête l'idée que le travail est source de liberté et d’autonomie, peut-être cela nous rendrait-il davantage fiers de ce que nous faisons chaque jour."

"Ce que nous dit également Adam Smith", conclut M. Vermer, "c'est que chacun, s'inscrivant dans la division du travail, doit aussi faire ce en quoi il est bon et ce qu'il aime. Personnellement, je pense que notre société a un tort énorme: elle nous pousse dans des voies qui ont supposément de la valeur pour elle, mais elle ne nous encourage pas à trouver le bonheur dans le travail. Je crois que l’évidence serait de diriger, dès le plus jeune âge, chaque individu dans la voie qui lui convient, où il pourra s’épanouir – ce qui ne passe pas forcément par un diplôme universitaire ou une carrière dans un bureau."

Plus d’info: Philocomix, Tome 3 - Métro, boulot, cogito, de Jean-Philippe Thivet, Jérôme Vermer et Mathieu La Mine, aux éditions Rue de Sèvres.

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