Est-il bon d'être fataliste?

16/11/2022
Idées
"Fatalisme", tableau de Jan Toorop – Musée Kröller-Müller (domaine public)

Pour réussir, il faut d'abord y croire: la foi, celle "qui déplace les montagnes", est un moteur du progrès humain – c'est aussi le carburant des entrepreneurs. Mais que se passe-t-il quand cette volonté est rattrapée par la réalité?

"The sky is the limit", "Impossible n'est pas français", "Vouloir, c'est pouvoir": nous ne manquons pas de proverbes pour exprimer notre confiance dans notre capacité à commander aux événements, quitte à refuser l'existence de limites. C'est une grande force de l'humanité, sans laquelle on n'aurait sans doute jamais tenté une transplantation d'organe, ni marché sur la Lune – ni fondé la première entreprise.

Mais que devient cette confiance quand la réalité ne nous obéit plus? La question est d'une acuité particulière, alors que nous sommes confrontés à des crises qui semblent échapper à tout contrôle : guerre, inflation, crise énergétique, crise climatique... Faut-il se résigner à les subir?

"Il y a une formule de Francis Bacon que j'aime beaucoup", répond Luc de Brabandere, ingénieur devenu philosophe d'entreprise. "Elle est paradoxale: 'Il faut obéir aux forces auxquelles on veut commander'."

"La clé, c'est l'humilité: on peut se reconnaître petit face à ce qui nous dépasse, mais cela ne doit pas nous empêcher d'agir. Pour prendre une autre analogie, que je tiens de Bertrand Piccard: quand on est en ballon, on n'a pas de volant ou de gouvernail pour se diriger. Il faut examiner les courants et se placer à la bonne altitude pour que le vent vous emmène là où vous voulez aller."

"En fait, c'est une posture d'efficacité: pour obtenir le meilleur rendement de son action, il faut éviter de se battre inutilement – et donc, obéir aux forces que l'on veut commander. C'est une forme utile de fatalisme, qui n'a rien à voir avec de la résignation. Quand on est résigné, on ne fait rien; quand on est fataliste, ou réaliste, on commence par mesurer son champ d'action, ce qui est la première étape pour poser un geste."

Une posture qui peut aider l’entrepreneur à orienter ses décisions dans un monde incertain: "On dit toujours que gouverner, c'est prévoir. Mais que se passe-t-il quand il n'est plus possible de prévoir?", interroge Luc de Brabandere. "Aujourd'hui, nous faisons face à deux types d'incertitude. La première, qui est classique: par exemple, que se passe-t-il si l'inflation augmente? À partir de cette question, on peut préparer des scénarios. La deuxième, c'est l'inattendu. C'est beaucoup plus compliqué, parce que vous ne savez même pas à quelle question vous pourriez devoir répondre. Est-ce que cela signifie qu'il faut se résigner? Non! Contrairement à ce que dit un proverbe souvent mal compris, je crois que dans le doute, il ne faut pas s'abstenir. Il faut se préparer. Et pour cela le mieux est d’imaginer des évènements très improbables, mais néanmoins possibles et à gros impact:  ce qu’on appelle des ‘cygnes noirs’."

Info: lucdebrabandere.com

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