Une marque, un brevet, le pitch d’un film: autant de biens dépourvus d’existence matérielle, mais qui ont pourtant une valeur. Comment la calculer? Petite leçon d’évaluation de l’immatériel avec Pierre Hermant, CEO de finance.brussels.
Les entrepreneurs ont l’habitude de calculer la valeur des choses: prix des matières premières, amortissements, coûts salariaux… Mais qu’en est-il des biens immatériels? Et d’abord, de quoi parle-t-on?
Pour le comprendre, empruntons un exemple au monde du cinéma: que vaut le pitch d’un film? "Cela dépend de celui qui vous le propose", répond Pierre Hermant. "Pour réaliser un film, il faut un producteur qui va préfinancer le tournage en anticipant les recettes: combien vendra-t-on de tickets? Si je m’appelle Claude Lelouch et que mes trois derniers films ont rapporté 10 millions chacun, il devrait être facile d’obtenir un million pour le prochain scénario. Surtout si je garantis la présence d’Isabelle Adjani à l’affiche. Mais si je m’appelle Tartempion et que je n’ai jamais fait de film, personne ne m’avancera 100.000 euros."
Dans le monde entrepreneurial, la valeur de l’immatériel est souvent abordée au moment de racheter ou céder une entreprise, dont il faut fixer le prix. Ses actifs matériels (ou corporels) sont faciles à évaluer: ce sont les bâtiments, les stocks… Mais l’entreprise possède aussi des actifs immatériels (ou incorporels): une marque, des brevets, le talent de ses collaborateurs… Comment faire un calcul objectif?
"Prenons la marque: si j’achète des t-shirts blancs 4€ pièce à mon grossiste, et que je suis capable de les revendre 8€, je dégage 4€ de marge. Si j’y imprime un logo pour 50 centimes de plus, par exemple celui d’Adidas, je pourrai probablement vendre ces mêmes t-shirts à 24€. Faisons un peu de calcul: 24 moins 4,5, ça me donne une marge de 19,5€, soit 15,5€ de ‘price premium’. Cette prime, multipliée par le nombre de t-shirts vendus, c’est une façon de calculer la valeur de la marque."
"En bref, la valeur de l’immatériel, c’est ce qui va garantir ou augmenter le flux financier que l’on pourra générer dans une activité."
Le même raisonnement peut s’appliquer aux brevets, aux codes informatiques, etc. Mais attention aux erreurs de calcul: "Admettons que je revends mon entreprise et que celle-ci possède un code destiné à une app. Est-ce que je peux le considérer comme un actif et que vaut-il? Je peux lui attribuer la valeur des heures de travail fournies par mes codeurs, mais c’est un calcul que l’acheteur peut remettre en question. Par exemple, s’il démontre que ce code est en réalité très simple à réécrire, ou qu’un concurrent pourrait facilement développer l’équivalent à moindre prix."
La marque ou l’enseigne peuvent elles aussi se déprécier ou passer de mode: "Pour reprendre l’exemple du cinéma, si mes trois derniers films ont été des échecs, je trouverai difficilement un producteur pour le suivant. C’est la même chose pour une marque en perte de vitesse. Dans le jargon financier, ce genre de réduction de valeur d’un bien immatériel s’appelle un ‘impairment’."
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