"Il faut réenchanter l’Europe"

21/11/2022
Idées
(Photo Nico Roicke/Unsplash)

‍C’est Rudy Aernoudt qui le dit! Professeur d’université, senior economist à la Commission européenne et auteur d’un essai sur l’avenir de l’Union, il était récemment l’hôte d’un webinaire à l’EPHEC. Son credo: du concret pour les citoyens européens!

Brexit, participation en berne aux scrutins européens, montée des partis eurosceptiques… L’Union européenne ne soulève plus l’enthousiasme. "Je ne vois plus d’étoiles dans les yeux des citoyens européens, ni même dans ceux des eurocrates", constate Rudy Aernoudt.

Pourquoi ce désamour? "D’une part, l’Europe n’a plus rien de neuf. Elle a déjà 65 ans – l’âge de la retraite – et les grandes avancées européennes commencent à dater. La monnaie unique, la libre circulation, la réunification avec l’Europe de l’Est… Tout cela semble acquis, ça ne parle plus aux gens. D’autre part, l’Europe s’est éloignée des citoyens à force de technocratie. Par exemple: j’étais récemment en Corse; les producteurs de brocciu – le ‘fromage national’ corse – ne peuvent plus utiliser leurs paniers traditionnels en jonc pour l’égouttage, parce que ça ne répond pas aux normes européennes. Pourquoi Bruxelles se mêle de ça? Pour quelle valeur ajoutée?"

Or, de la valeur ajoutée, l’Europe en a, selon Rudy Arnoudt: "Je ne suis pas d’accord avec ceux qui pensent que leur pays s’en sortirait mieux seul."

"L’UE, aujourd’hui, ça représente 15 ou 16% de l’économie mondiale en PIB. En 2050, ce sera 11%, derrière la Chine, l’Inde et les USA. La France ou l’Espagne, c’est 1 ou 2% de PIB. Est-ce que ça permet de peser sur les affaires mondiales? Non! Ensemble, par contre, on reste le plus gros marché du monde en termes de pouvoir d’achat; ça donne un levier dans les discussions… Encore faut-il que l’Europe ose s’imposer dans la diplomatie économique."

Pour "réenchanter l’Europe", le professeur Aernoudt propose deux axes: "D’abord, alléger les structures. On n’a pas besoin de 7 ou 8 présidents, de 50 000 fonctionnaires, ni de 700 parlementaires qui viennent voter à Strasbourg ou à Bruxelles. Qu'ils restent dans leurs régions, à parler avec les gens! Ensuite, il faut moins s’occuper des petites choses et se concentrer sur les grands chantiers – ce que j’appelle les 12 travaux d’Hercule dans mon livre*: Erasmus, la politique industrielle, le climat… Et dans chaque décision, le critère doit être ‘quel impact pour le citoyen?’"

Mais existe-t-il un chemin pour de telles réformes? "Je le pense. Jean Monnet avait prédit que l’Europe se construirait dans les crises, et là, on cumule les crises! Mais c’est ce qui nous permet d’avancer: je déplore le Brexit, mais les 27 sont maintenant beaucoup plus soudés. On a eu la crise du covid, mais cela a fait avancer le Green Deal. La guerre en Ukraine a forcé la transition énergétique. À chaque crise, on prend des grandes décisions. Donc oui, c’est possible, mais ça demande une vision. Avec une vision, on peut créer un nouveau narratif. Un récit qui nous rend à nouveau fiers d’être Européens."

*Pour aller plus loin, lire "L'Europe vue de l'intérieur: vers un nouvel élan?", Rudy Aernoudt, éd. Mardaga.

En lien avec cet article:

"Il nous faut un nouveau récit collectif"

Exporter: c'est le premier pas qui coûte

"Au plus on parle de langues, au plus on est humain"

Ne ratez pas une chance d'apprendre.
Chaque mois, découvrez de nouveaux articles, rencontrez de nouveaux experts et faites évoluer votre vision du futur.
Je m'inscris