Il y a cinq ans, j’ai quitté l’Ukraine pour vivre et étudier en Belgique. Et j’ai débarqué dans un autre monde où il m’a fallu tout apprendre: non seulement mes cours d’e-business, mais aussi la langue, les comportements, l’humour… Une bien étrange expérience!
Connaissez-vous la Bucovine? C’est de là que je viens: une petite région posée à cheval sur la Roumanie et l’Ukraine, où se trouve mon village, du côté ukrainien de la frontière, mais où l’on parle un dialecte roumain. En 2019, je l’ai quittée pour venir à Bruxelles – pas à cause de la guerre, qui était encore lointaine et un peu abstraite, mais par opportunité, pour étudier.
Ce n’est pas une décision légère de s’expatrier, de quitter son pays pour quelques années, voire beaucoup plus. Quand on la prend par choix plutôt que par contrainte, c’est avec un certain enthousiasme – ce qui ne veut pas dire sans difficultés.
En arrivant à Bruxelles, où je connaissais déjà des expatriés de Bucovine, j’ai d’abord vécu un choc culturel. Et même un choc "multiculturel": moi qui venais d’un gros village agricole, où l’on vit entre soi, je débarquais dans une grande ville, très cosmopolite, où l’on entend toutes sortes de langues.
Bien sûr, au début, tout est difficile. D’abord, il m’a fallu apprendre le français très vite (je savais tout juste dire "bonjour", "au revoir" et compter jusqu’à trois…); je devais aussi régler des problèmes administratifs; en prime est arrivé le covid qui a compliqué les choses…
J’ai aussi dû m’adapter à la culture locale. Pas seulement à la nourriture (je n’aime vraiment pas les chicons), mais aux attitudes, aux façons d’être et de penser.
L’une des choses qui m’ont le plus étonnée, c’est le caractère très spontané des relations. D’où je viens, ce n’est pas qu’on soit fermés, mais on ne dévoile pas tout de suite sa personnalité aux autres: on doit d’abord établir la confiance. Ici, on est beaucoup plus direct. Par exemple, on se permet très vite de blaguer avec les gens – or, l’humour fait partie des exercices les plus difficiles dans une autre langue, parce qu’on joue parfois sur les mots et qu’on ne rit pas forcément des mêmes choses. Au début, je n’y comprenais rien.
À l’école, j’ai aussi été abasourdie par le peu de distance entre étudiants et enseignants. Appeler un professeur par son nom ou le tutoyer me semblait très malpoli; en fait, c’est le rapport à l’autorité qui est différent. Je pourrais encore vous parler du sens donné à l’amitié, ou du poids relatif accordé aux paroles et aux actes – il y aurait tant de comparaisons intéressantes!
Je sais déjà que je ne resterai pas en Belgique (je vais déménager en Allemagne, encore une autre culture!), mais les cinq ans que j’y ai vécus m’ont énormément apporté. S’expatrier n’est pas facile; c’est parfois dur d’être loin de chez soi, de se confronter à une autre culture, devoir s’intégrer…, mais c’est une expérience incroyablement enrichissante, qui vous transforme et vous accompagne pour la vie.
Ana-Alieksandra Herman,
3e bac en e-business
En lien avec cet article:
Edito: Là où l’on se sent chez soi