Boom des coûts énergétiques et des prix des matériaux, krach des chaînes logistiques… Les temps sont durs pour les entreprises de production. Et si c’était le moment de passer au modèle circulaire?
"Aujourd'hui, l'économie circulaire représente moins de 10% de l'économie totale", commence Emmanuel Mossay, co-auteur de Shifting Economy, qui enseigne l’économie circulaire dans plusieurs universités et hautes écoles et conseille diverses entreprises et Institutions. "On ne peut pas la limiter à un secteur particulier; elle a de multiples facettes qui se traduisent par l’échelle des priorités circulaires: c’est le recyclage, mais c’est aussi la réparation, c’est l’économie de la fonctionnalité, c’est le fait de repenser son modèle économique, de réfléchir aux matières qu’on utilise… C’est un modèle encore minoritaire, mais qui est en pleine croissance."
Son moteur n’est plus seulement le souci de durabilité ou le désir d’économiser l’énergie ou les matières premières; de plus en plus, elle se nourrit d’une réflexion stratégique et systémique tournée vers la résilience de l’entreprise.
La crise sanitaire a mis en évidence certaines fragilités du modèle dominant, très dépendant des chaînes de valeur mondialisées: quand un maillon lâche, rien de va plus. "Ce n'est pas uniquement lié au covid", observe M. Mossay. "Bien avant la crise sanitaire, certains secteurs connaissaient déjà des ruptures importantes. C’est dû notamment à la concentration de l’accès aux matières premières dans certains pays, ou de la transformation dans certaines entreprises."
Pourra-t-on encore s'approvisionner? À quel prix, dans quelles quantités et dans quels délais? L’économie circulaire peut répondre en partie à ces questions.
En récupérant, en recyclant, en réusinant, on se garantit un approvisionnement à la fois plus proche, plus sûr et plus régulier. L'économie de la fonctionnalité va encore plus loin : en fournissant l’usage plutôt que le produit, on se rapproche des besoins originels du consommateur et on augmente la valeur du service proposé. "Pour un constructeur automobile, par exemple, on peut considérer que la mission de l’entreprise est de fournir une solution de mobilité fluide et confortable. Cela permet de favoriser d'autres types d'utilisation, plus performants sur le plan environnemental, économique et social."
Cependant, une telle transformation ne va pas de soi. "Il faut tout revoir : les processus, le business model, l'offre, le pricing, les compétences dont on a besoin, le financement de cette transformation… En revanche, cela permet de vendre de nouveaux services, collecter de nouvelles données, renforcer la relation client, améliorer les produits… L’effort mais aussi les bénéfices associés sont très importants."
Alors, par où commencer? "Je pense que le plus simple, c'est de suivre les flux, d’examiner toutes les ressources nécessaires pour offrir ses services ou ses produits, et d’étudier, dans l'ensemble de la chaîne, ce qu'il y a moyen d’optimiser, ce que l’on pourrait repenser de façon circulaire."
Bref, enclencher une spirale vertueuse vers un nouveau modèle, porteur d’avantages pour l’entreprise.
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