Vous envisagez de vous associer avec un ou plusieurs confrères? Pour un projet ponctuel ou peut-être à plus long terme? Vous songez à rédiger un contrat? Sa valeur juridique n’est cependant pas la garantie d’une bonne collaboration. Entretien avec Jean Pierre Riquet, conseil juridique et fiscal et professeur associé à l'EPHEC.
"Entre associés, je ne suggère pas forcément d’élaborer un contrat", assène Jean Pierre Riquet. Dans sa pratique, explique-t-il, il a constaté une certaine perte de validité du contrat. "C’est le reflet d’une évolution de la société, qui a relativisé le respect des normes: le contrat conserve sa valeur juridique, mais cela ne garantit pas le respect de ce qui a été signé. Si, par exemple, un associé souhaite se retirer prématurément, que se passe-t-il? Il y a peut-être un contrat qui prévoit des indemnités, mais va-t-on entamer des poursuites et payer un avocat, pour peut-être obtenir raison dans cinq ou dix ans? Dans la réalité, peu de gens iront au tribunal – mais alors, pourquoi avoir conclu un contrat?"
"C’est bien sûr différent dans le cas d’un contrat de travail ou de prestation de service, où les choses sont beaucoup plus claires: il y a un lien d’autorité, une définition de la prestation, etc. C’est encore différent dans la relation avec un investisseur, qui installe un rapport de force."
"Dans la collaboration, au sens entrepreneurial, ce qui est déterminant, c'est d’abord la volonté des personnes de faire quelque chose ensemble. Ensuite, on peut mettre un certain nombre de choses par écrit, mais lesquelles et dans quel but?"
Non moins importants qu’un contrat, d’autres mécanismes peuvent contribuer à une bonne collaboration, poursuit Jean Pierre Riquet: "Le plus utile me semble un lien de subordination, qui instaure une vérification du travail accompli, même entre associés. Quitte à ce que soit une subordination croisée: celui qui a la compétence administrative contrôle celui qui a la compétence marketing, et vice versa. La confiance, ce n’est pas suffisant, c’est trop flou: cela signifie qu’on renonce à exercer un contrôle."
"Avec certains clients, j’organise périodiquement des réunions pour ajuster la collaboration: on se rend compte que ce qu’on a fait n’est pas optimal; on n’a rien défini par contrat mais on peut rectifier le tir et on n’a pas besoin d’un avenant pour cela. Rien n’est figé. En fait, c’est la même logique que la médiation juridique: une médiation, cela revient à mettre le contrat de côté pour discuter et trouver une solution. Pour moi, c'est beaucoup plus porteur pour aller de l'avant. Et pour reprendre notre exemple, si quelqu’un veut quitter le navire, mieux vaut négocier son départ et continuer avec un groupe restreint, plutôt que de le contraindre à rester ou engager des poursuites. Bref, mieux vaut discuter de temps en temps, plutôt que de se reposer aveuglément sur un contrat, en pensant qu’il va régler toute votre vie économique."
Pour aller plus loin
Comment organiser les relations de travail entre associés, collaborateurs, coopérateurs…? Jean Pierre Riquet abordera les aspects juridiques, sociaux et fiscaux de ces questions lors d’un webinaire gratuit, le 23 avril prochain à 20h.
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