La société à l’épreuve du covid

6/7/2021
Idées
(Photo Pixabay)

Notre société a été mise à rude épreuve par la crise sanitaire. Comment s’en relèvera-t-elle? Nous avons posé la question à Olivier Servais, Doyen de la Faculté des sciences économiques, sociales, politiques et de communication à l’UCLouvain.

"Une guerre sans destructions matérielles": cette image, souvent associée à la crise du covid-19, Olivier Servais ne la partage pas. "D’abord parce que l’ennemi n’est pas humain, mais surtout parce que les questions fondamentales de vie et de mort qu’a soulevées cette crise ont fait ressortir des éléments structurants dans les confrontations au sein de la société. La crise nous a divisés, jusque dans les familles, sur toute une série de questions allant des stratégies gouvernementales aux libertés fondamentales, au choix de la vaccination, alors que les conflits armés ont plutôt tendance à resserrer les rangs."

Du point de vue du sociologue et anthropologue, il n’y a pas de comparaison possible entre l’après-covid et l’après-guerre.

"Après la Seconde Guerre mondiale, nous étions dans une logique ‘post-New Deal’, dans un monde qui avait été reconstruit sur deux grands axes géopolitiques, Est-Ouest. Globalement, dans les pays occidentaux, les populations faisaient confiance aux dirigeants de l’époque, qui avaient gagné la guerre. On avait aussi des médias qui étaient très homogènes et il y avait peu de débat sur les alternatives ou les perdants. On avait donc un consensus social très fort, fondé notamment sur le rejet des extrêmes: on ne voulait être ni communistes, ni fascistes. La situation actuelle est très différente: on ne peut pas dire que les dirigeants aient géré au mieux et aujourd’hui, la classe politique est largement discréditée – je ne dis pas que ce discrédit est totalement légitime, mais c'est le constat sociologique que je fais. Nous sommes donc face à un enjeu majeur qui est de regagner l’adhésion des citoyens, ce qui passera sans doute par des logiques participatives, qu’il s’agisse de tirage au sort, de référendums ou d’autres moyens."

Quelles leçons en tirer face aux crises à venir, en particulier aux crises environnementales? "Ce n’est pas simple, parce que nous sommes confrontés à des enjeux qui réclament un traitement de longue durée, et qui supposent une réflexion dans la complexité plutôt que dans la simplification. Est-ce que nos démocraties sociales-libérales seront capables de faire ces choix à long terme, a fortiori dans une société où on a raccourci le champ de la perspective à l'immédiat? Je l’ignore. La crise du covid a parfois été gérée de manière autoritaire, ce qui a porté atteinte à certaines de nos valeurs fondamentales. Je pense qu’on doit gérer les crises à venir autrement, selon nos traditions, c'est-à-dire en laissant de l’espace au débat, avec l’efficacité du consensus progressif que le débat permet. J’espère que nous aurons des politiques visionnaires, mais des visionnaires humbles, capables de penser pour le bien commun."

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