"On n'est plus en démocratie!", entend-t-on parfois. Nous, citoyens belges, qui sommes nés en démocratie, nous y sommes tellement habitués que nous la tenons pour acquise. Nous ne prêtons plus attention à ses mécanismes qui, souvent, nous échappent. Ils en sont pourtant les garants.
La différence entre la démocratie et l'autoritarisme, entre l'État de droit et l'arbitraire, ce sont les institutions. Des institutions complexes, que l'on connaît mal et qui nous semblent souvent lointaines, alors qu'elles tiennent pourtant une place cruciale dans notre vie en société – et même dans notre vie de tous les jours.
Cette réflexion, que j'ai eu envie de partager quand on m'a proposé d'écrire un éditorial, m'est apparue de plus en plus évidente au fil de mon stage effectué au Conseil d'État.
Qui connaît le Conseil d'État? J'avoue que j'en ignorais tout avant d'entamer un bachelier en droit à l'EPHEC. Et cependant, il s'agit de la plus haute juridiction administrative du pays.
Mais encore? Eh bien, le Conseil d'État dispose d'un pouvoir considérable: celui d'annuler tout acte administratif jugé illégal.
Cela va des permis d'urbanisme, jusqu'aux mesures du gouvernement fédéral ou des gouvernements régionaux, en passant par les attributions de marchés publics, les nominations ou les licenciements à tous niveaux des administrations. Tout citoyen, tout pouvoir public ou toute personne morale qui s'estime lésée peut s'adresser à lui. Ses magistrats sont nommés à vie. Ses décisions sont sans appel et – sauf en de très rares circonstances – ne peuvent être cassées.
Il exerce donc une influence majeure. Et très concrète: par exemple, en avril dernier, le Conseil d'État a suspendu les énormes travaux de la liaison Oosterweel, à Anvers, en raison d'une contamination des sols. Mais l'une des décisions les plus spectaculaires du Conseil d'État est intervenue l'an dernier, dans le contexte de la crise covid, quand il a suspendu un arrêté royal de fermeture des lieux culturels. Avec pour conséquence leur réouverture immédiate.
Sans ce contrôle de légalité opéré par le Conseil d'État, un gouvernement, un pouvoir administratif, pourrait agir sans autre limite que lui-même, ouvrant la voie à l'arbitraire : expropriations abusives, nominations illégales, attributions irrégulières de marchés publics, corruption… Sans aller jusqu'à prétendre que la Belgique est épargnée de tous ces maux, on peut du moins affirmer que nos institutions y opposent un recours.
Ces institutions que nous connaissons si mal – Conseil d'État, mais aussi Cour constitutionnelle –, tiennent un rôle essentiel: garantir qui nous puissions vivre dans un État où nos droits sont respectés. Elles semblent immuables, mais ce sont des constructions humaines. Si elles disparaissaient, le pouvoir dériverait inévitablement vers l'autoritarisme.
Sébastien Vanbelle
3e bac en droit
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