Perspectives économiques: l’Europe au pied du mur

3/1/2025
Idées
(Illustration d'après brgfx/Freepik)

Bernard Keppenne, Chief Economist de CBC (la branche wallonne de KBC Group), ne cache pas son inquiétude: l’économie européenne se traîne. Face à l’attitude offensive du nouveau gouvernement Trump, le Vieux Continent risque le décrochage. L’Europe peut encore l’éviter, mais elle doit faire vite.

"Nous sommes dans une situation très compliquée, avec un risque important de stagnation l'année prochaine", entame Bernard Keppenne. "La Belgique s'en était plus ou moins bien sortie ces deux dernières années, mais ce ne sera plus le cas l'année prochaine, où la croissance ne devrait pas dépasser 0,6% contre 1,2% de moyenne les années précédentes. C’est très bas."

La problématique dépasse de loin notre petit pays; c’est à l’échelle européenne que le bât blesse: "L’Europe, très ouverte au commerce international, a déjà souffert du ralentissement chinois; elle va subir inéluctablement la politique de Trump", avertit l’économiste. "Le rapport Draghi (publié en octobre 2024, ndlr), a mis en évidence le glissement extrêmement inquiétant de la productivité en Europe par rapport aux États-Unis : 0,6% de progression contre 6% en cinq ans. L’Europe a pris un tel retard dans le domaine technologique, en intelligence artificielle, en informatique quantique, dans les batteries, etc., qu'on peut se poser des questions sur sa capacité de garder un rôle dans l'avenir. Si on ne réagit pas, on va décrocher."

Autre sujet d’inquiétude: les prix de l’énergie. "Il est clair que la guerre en Ukraine a bouleversé l'ordre des choses. Tandis que les États-Unis sont exportateurs de gaz et de pétrole, l’Europe a perdu l’accès au gaz russe relativement bon marché. La politique du ‘tout au forage’ annoncée par Trump risque encore d’aggraver notre perte de compétitivité, aussi longtemps qu’on n’aura pas créé de nouvelles filières indépendantes, dans les énergies renouvelables, peut-être dans la filière de l'hydrogène… mais cela demande des investissements et du temps."

"L'Europe doit se réveiller", plaide Bernard Keppenne, "c’est-à-dire mettre en place des filières énergétiques, développer ses capacités industrielles et technologiques, investir dans la formation et l’éducation…"

La bonne nouvelle, c’est qu’elle en a encore les moyens: "On dit toujours que l'Europe avance quand elle est au pied du mur; nous y sommes! Le rapport Draghi tombe au bon moment. Nous avons un diagnostic et des pistes de réflexion. Nous avons aussi des capitaux suffisants, mais il faut créer un marché européen des capitaux pour les mobiliser. Comme pour l’Europe de l’énergie dont on parle depuis dix ans, il ne manque plus que la volonté politique. Peut-être les prochaines élections allemandes vont-elles changer la donne."

La réélection de Donald Trump pourrait-elle être un choc salvateur? "Je l’espère, mais quand il avait été élu une première fois en 2016, j’avais moi-même dit: ‘C’est une opportunité pour l’Europe’. On le redit aujourd’hui. Que de temps perdu!"

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