Au premier abord, la comptabilité semble un métier très éloigné de l’émotionnel. Et cependant, le comptable peut se sentir bien démuni quand, en situation de crise, il se trouve confronté à un entrepreneur en détresse. Comment l’aborder et lui venir en aide?
"Les cours de compta, ce sont surtout des mathématiques, de la fiscalité, de la législation… À l’école, on n’a jamais abordé la psychologie humaine et les émotions", regrette Yakup Dalli. Lui et sa sœur Zuleyha, qui exercent tous deux comme comptables depuis une dizaine d’années, ont récemment participé à un cycle de cours sur la gestion de crise, organisé par l’EPHEC Formation Continue, dont l’un des modules abordait justement ces aspects.
"Les crises récentes ont été un déclencheur", explique Zuleyha. "D’abord à la suite de la pandémie de covid, ensuite avec la crise de l’énergie, on s’est trouvés confrontés à des clients qui devaient eux-mêmes faire face à des difficultés inattendues, qui le vivaient douloureusement et qu’on s’efforçait d’accompagner."
Découragement, peur, frustration, voire colère… "On s’est aperçus que c’était important de pouvoir gérer des situations émotionnellement difficiles pour les clients, au-delà des chiffres", reprend Yakup. "Il faut se rendre compte que l’entreprise, surtout dans le contexte des indépendants et des PME avec qui nous travaillons, c’est un peu l’enfant de l’entrepreneur – sans oublier que c’est aussi la source de ses revenus. Il y a investi beaucoup de lui-même, du temps, des moyens, de l’énergie… Voir souffrir cet enfant alors qu’on espérait le faire grandir, forcément, ça fait mal."
"Souvent, nous étions la seule personne à laquelle l’entrepreneur pouvait confier ce qui se passait, parler de sa situation financière, mais aussi de son impact privé, familial… Bref, on devenait un peu des psychologues, sans en avoir les outils."
Que retirent-ils de cette formation? "L’une des choses que je retiens, c’est la façon de formuler les choses", répond Yakup. "Par exemple, apprendre à ne pas dire ‘je vous comprends’ à une personne en détresse. Parce que, même avec beaucoup d’empathie, vous ne vivez pas et vous ne ressentez pas les mêmes choses qu’elle. Mieux vaut dire ‘Je vous entends’ et cela change la tonalité de la discussion. Ce que je retiens également, c’est que les émotions évoluent et passent par différents stades – un peu comme dans un processus de deuil – avec des approches qui sont différentes à chaque fois."
La négociation est un autre aspect de la formation qui a intéressé Zuleyha. "En période de crise, le comptable peut être amené à intervenir dans une négociation, parfois avec les fournisseurs, plus souvent avec l’administration de l’ONSS, de la TVA… Là aussi, il faut trouver la bonne approche, le bon chemin pour parvenir à une solution, sans brusquer les interlocuteurs."
Des compétences humaines qui dépassent de beaucoup l’aridité des chiffres…
Formation en gestion de crise:
L’EPHEC Formation continue organisera prochainement un nouveau cycle de formation en gestion de crise à l’attention des comptables. Info: v.mylonas@ephec.be
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